L'Equitation Pédagogique

pedagogiejuillet 2025

Chronique d’une cavalière sensible mais cartésienne
Une première expérience de communication animale

Les réflexions partagées ici n’ont pas pour but de juger les personnes,
mais d’explorer une expérience à travers un regard personnel.

Objectif final : un retour journalistique, honnête et nuancé

Je livre ce témoignage comme une forme de retour construit, non définitif, mais honnête. Il ne juge pas la pratique, il témoigne simplement de ce que j’ai ressenti.

Entre intuition et lucidité

Je suis cavalière depuis plus de 30 ans. J’ai consacré beaucoup de temps aux chevaux : enseignements, pédagogies, soins, parages, écritures, engagement associatif, responsabilités professionnelles. Ultra fait partie des chevaux qui me touchent particulièrement.
Je rencontre Peggy Reboul lors d’une séance de dédicaces, et je saisis l’opportunité de découvrir son livre « La Voix du Cheval ». Cette lecture me bouleverse et je lui demande une communication avec Ultra. Curiosité personnelle, envie d’enrichir ma compréhension du cheval, mais aussi volonté d'expérimenter cette démarche depuis ma posture plutôt cartésienne. Peggy me confie à une de ses connaissances. Peu d’éléments sont demandés par la communicante : le nom du cheval, sa photo, le contexte et une question ou deux.

Ce que j’espérais

Pourquoi cherchais-je à être ébranlée ?
Les chevaux m’ont emportée dans une communication sensible, presque intuitive, qui n’est autre que l'utilisation d’un langage non verbal, qui demande beaucoup de subtilité et d’ouverture : accueillir la communication sans interprétation anthropomorphique.
Une autre communication, encore plus poussée, est-elle possible ?
Quelle est la différence fondamentale entre l'observation sensible et la communication mentale ?
Lire le langage non verbal d’un cheval, c’est de l’observation fine, du vécu relationnel ; cela demande du temps, de la présence, de l’attention… Pour la communication animale, je suis curieuse de découvrir !

communication animale

Pendant que je me questionne, mon cerveau (droit ou gauche ?) me rappelle les constats, nourris de psychologie, de sciences cognitives, et d’anthropologie :

Premières impressions : une expérience intrigante

La séance, transmise sous forme d’audio, débute par une précaution : « utilisez votre libre arbitre, car je peux me tromper ».

Niveau 1 face à cette mise en garde : logique et scepticisme

« Si elle communique vraiment avec le cheval, comment pourrait-elle se tromper sur ce qu'il veut dire ? »
Question légitime ? Si on croit à une communication directe, au sens "télépathique" pur (transfert d’informations brutes ou de pensées), alors l’erreur ne devrait pas exister. Et donc, cette précaution pourrait faire douter de sa propre croyance dans l’exercice.
Mais ce genre de phrase est souvent utilisé comme un bouclier rhétorique : cela dédramatise ce qui pourrait être mal reçu, et évite une confrontation trop directe si l’information tombe à côté. C’est une précaution courante dans toutes les professions "intuitives" : médiums, coachs, lecteurs d’aura…

Niveau 2 face à cette mise en garde : perception intuitive et biais humains

Il n'y a pas, dans la communication intuitive, de "message clair" comme une phrase dictée par le cheval. C’est un mélange de ressentis, d’images mentales, d’émotions, de sensations corporelles… Et l’humain capte tout cela à travers ses propres filtres :

De ce qu'elle capte d’Ultra, c ’est SA traduction personnelle que je reçois, pas la "parole d’Ultra" au sens strict, ni en direct.
Ce serait comme : je sens une bouffée de froid... je dis "j’ai ressenti qu’il était seul et triste", alors que c’était peut-être juste un « espace neutre » qui ne nécessitait pas d’interprétation.
Ce flou entre ressenti, intuition et lecture personnelle traverse toute l’expérience.

Mon libre arbitre ? comment m'en servir ?

Tout au long de l’audio, la communicante utilise des formulations prudentes : « j’ai l’impression que… », « j’ai ressenti… », « peut-être que… ». Cela nuance la force des propos, et évite l’écueil des affirmations catégoriques.
Cette frontière entre réception d'informations (ce qui viendrait du cheval) et interprétation personnelle (ce que la communicante en fait dans son cerveau humain) est difficile à déchiffrer pour moi.
Le libre arbitre n’est pas là pour rejeter le message (agréable ou désagréable), mais pour distinguer ce qui m’aide vraiment, ce qui me trouble inutilement, ou ce qui m'apparait artificiel.
Ce que dit la communicante est un miroir partiel, un reflet, peut-être un déclencheur pour ma propre intuition.
Mon libre arbitre doit s'exprimer dans le fait de garder ce qui résonne (ce qui m’éclaire ou me fait avancer), et laisser de côté le reste, sans le nier totalement.

En résumé :
Oui, elle peut "se tromper", car elle n’est jamais un canal neutre.
Ce qu’elle reçoit est subjectif et influencé par ce que je lui donne comme contexte
Son langage ("j’ai ressenti", "j’ai eu l’impression") reflète cette subjectivité assumée, mais peut aussi être une manière de rester dans une zone de sécurité.
Me voilà prévenue et préparée !

Ce que dit la communication : premiers décryptages et réflexions

1. "Avant, il y avait une notion de rentabilité."

C’est une phrase très lourde de sens dans le monde équin, surtout si Ultra a eu un passé de cheval de club, de compétition ou d’élevage. Cette notion de rentabilité suppose une relation utilitariste : tant qu’il “fonctionne”, il est valorisé ; s’il ne rapporte plus (performance, enseignement, reproduction...), il devient secondaire.
Objectivement : c’est un vécu malheureusement courant chez de nombreux chevaux. Ils sont destinés à la filière sportive, celle des courses, ou des loisirs... Dans ces 3 cas, leur travail est « exploité » pour être rentabilisé.

2. "Un problème locomoteur a perturbé sa productivité."

Cela est un lien logique puisque je dis qu’il est naviculaire : un cheval avec un souci locomoteur voit souvent sa carrière compromise.
Objectivement : pas de révélation particulière.

3. "Il y a du stress dans son parcours et un manque d’estime de soi."

Cette phrase donne une dimension psychologique très humaine à un vécu chevalin. Je veux rester prudente avec les mots.
Objectivement : le stress chronique, le conditionnement, la perte de repères ou l’utilisation malgré la douleur (cas présent), peuvent provoquer chez le cheval des réactions qui ressemblent à un manque de confiance : refus d’obstacles, retrait, hypervigilance…
Cette interprétation m'interpelle : de réactions physiques à des douleurs, j'entrevois aussi des raisons psychologiques qui les prolongent, en relation avec la conscience animale.

4. "Des douleurs au niveau des cervicales."

Beaucoup de chevaux compensent avec l’avant-main, surtout s’ils ont un problème postérieur ou naviculaire.
Objectivement : les ostéopathes trouvent des problèmes au niveau des cervicales sur pratiquement tous les chevaux (pression du filet, du licol, tire au renard, mauvaise monte, enrênements). Ultra fait partie de ceux-là.

5. "Il se sent enfermé dans l’étiquette 'cheval naviculaire'."

C’est intéressant symboliquement, comme si le cheval disait : je ne suis pas juste un diagnostic. Mais est-ce lui qui le dit ?
Objectivement : dans mon regard, cette pathologie n’est jamais devenue centrale au point d’éclipser le reste, mais dans la description du contexte, c’est un des seuls éléments confiés à la communicante. Dans le cadre de cette communication, je l’ai effectivement résumé par cette maladie. Mais Ultra est sollicité, valorisé, regardé comme un cheval à part entière et non comme "le naviculaire" ? Ai-je orienté la communicante ?

Parler de moi, m'analyser ou me psychanalyser ?

C'est un mécanisme utilisé en coaching pour créer de l'impact émotionnel, mais également en communication animale, et en médiumnité : parler de l’humain demandeur peut servir à valider la séance, flatter l’ego, ou tout simplement créer de l'émotion.

Décryptage de ce qui a été dit sur moi

1 « Je suis dispersée, Ultra m’aide à m’ancrer »

Elle sonne juste émotionnellement : qui ne se sent pas parfois « éparpillé » ?
Dans mon cas, cette sensation ne colle pas à la réalité : ce que je fais est varié, oui, mais connecté, et s'articule avec équilibre.
L’ancrage par les chevaux est vrai mais ancien dans mon parcours.
je peux avoir l’impression qu'on veut me faire correspondre à un cliché, plutôt qu’à mon propre vécu.

2 « Vous êtes tous les deux inconfortables »

C’est très vague, donc on attend de moi que je joue un peu à l’interpréter !
Interprétation physique :
Pour Ultra : oui, ce mot pourrait viser une douleur musculo-squelettique (il est décrit naviculaire avec toutes les déductions possibles sans communication.
Pour moi : des tensions physiques (facile à déduire également ayant cité mes chirurgies récentes), voire un pari sur un déséquilibre énergétique passager, ou même une disposition particulière qui m'a amenée vers cette consultation.
Interprétation psychologique ou existentielle :
« Inconfortable » pourrait vouloir dire : en phase de transition, face à des choix, dans une tension interne... Nous ne sommes plus dans cette période, mais elle a effectivement existé. Cela renvoie à un autre passage sur une sensation de "choix" et de non-choix", qui serait antérieur.
C'est un moment que l'on vit tous un jour ou l'autre avec un cheval "malade". D'autre part, la vie elle-même est faite d'une suite de choix et de non choix.

Objectivement :

Je ne suis pas un horoscope et j'ai refusé d'être réceptive à ce passage car c'est l’introspection a provoqué la demande de communication, et non l'inverse.
J’ai également cette impression qu’on veut me convaincre : déclencher des émotions en me parlant de moi, pour obtenir ma confiance et orienter mes convictions.

Quelques jours après la communication

Je m'interroge sur le mélange de justesse, de flou, et de "à côté". Détaillons trois points.

1. L’eau qui lui fait du bien (Il déteste ça)

Incohérence apparente :
Ultra déteste les douches et a une aversion manifeste pour l’eau : cette info semble erronée.
L'interprétation pourrait concerner une autre forme d’eau : pluie, brume, humidité du sol, présence d’un point d’eau naturel qui l’apaise, sensation de fraîcheur sur le corps.
Il est possible que ce soit un ressenti symbolique, puisque plus tard elle me parle d'encoder les élements, en particulier l'eau, avec des mots ou des fleurs de vie. Elle ressent quelque chose de "fluide" ou de "nettoyant", qu’elle a traduit par de l’eau.
Elle ajoute : « Concernant l’eau, peut-être qu’il voulait souligner le caractère sacré et que d’être à son contact pouvait soulager son antérieur ». Cette phrase me remet entre l’eau au sens propre et l’eau dans un interprétation figurée. Le message m'est difficilement traductible.
Je le rapproche plutôt d'un autre moment où elle me parle d'énergie qui ne circule plus.

2. Claudia, mise en avant comme importante

C’est très pertinent :
la présence de Claudia a du sens pour moi. Je l’ai présentée en même temps que d’autres personnes, en précisant pour elle, son nom entier.
Cela laisse deux hypothèses :
Elle a vraiment capté quelque chose dans le lien entre Ultra et Claudia : énergétiquement parlant, ou dans le souvenir du corps.
Elle a "deviné" intelligemment : Claudia est ostéopathe (facilement vérifiable avec son nom entier), donc elle intervient physiquement, et crée une connexion qui marque. C’est un pari sûr de la citer comme figure importante.
Toutefois, Claudia n'est pas seulement présente en tant qu'ostéopathe, ce serait trop peu pour la rendre si importante.

3. La chute dans un champ

Premier réflexe : je dis non, jamais vécue en ma présence.
Cette information est vraiment troublante. Quand elle l'énonce, elle ne parle plus de son passé avant moi. Elle ne donne pas de date mais je sens comme le poids de ma responsabilité. Et dans un scan rapide de ma mémoire, je ne me souviens pas avoir vu ou vécu de chute avec lui, je me souviens d'un gros écart, mais rien de plus.
Puis, en y repensant pendant quelques jours, je retrouve le souvenir d'un incident dans son pré, un jour où je n'étais pas présente.
Elle évoque une scène ambigüe, et moi je cherche à la faire coller à quelque chose : ce que fait mon cerveau ici, c’est une rétro-interprétation : je cherche dans mes souvenirs un événement concordant pour combler cette interrogation.

Perturbant !

Je suis en plein dans le flou émotionnel que créent souvent ces communications : Une image semble fausse (l’eau), une autre tombe juste (Claudia), et une troisième est imprécise mais trouve un écho (la chute).
Je ressens une forme de confusion mentale, exactement comme un rêve qu’on essaie d’interpréter. Ma raison se met en alerte : qu’est-ce que je peux prendre au sérieux là-dedans ? Je ne rejette rien trop vite. Je ne sur-interprète rien non plus.
Je pose ce que ça éveille en moi, comme si la communicante, messagère divine, était un déclencheur de réflexion.

Ressenti global

Ma demande n'est pas un piège mais une ouverture.

En première écoute, pas de lecture spectaculaire, ni d’informations "inédites". Il s’agit de la description du parcours d’un cheval abîmé par le rendement, restreint par une pathologie, qui « aurait » besoin d’être regardé autrement.
Beaucoup de chevaux peuvent tenir un discours similaire : la "rentabilité", les douleurs musculosquelettiques, les étiquettes médicales, le stress du passé… C’est un tronc commun dans le monde équin : cela concerne une majorité de chevaux.
J’observe peu de précision. J’ai l’impression que des grilles préétablies sont utilisées. Est-ce vraiment Ultra qui me parle ?

Ce que j’aurais souhaité, c’est une communication qui reflète l’histoire singulière entre Ultra et moi, j’aurais aimé qu’on m’aide à éclairer le mystère qui persiste malgré l’attention, les années, les soins, l’écoute : cette part d’Ultra qui ne s’est jamais complètement livrée, et que je ressens sans pouvoir la traduire.

En seconde écoute, quelle valeur vais-je lui donner ?

Paradoxalement, c’est peut-être parce que je connais déjà très bien Ultra, dans sa complexité, que je suis si sensible à ce que la communication n’a pas su capter. En lui donnant la parole, j'espèrais que ce qu’il aurait à me dire ne serait pas sur un plan aussi général, comme si je venais d’arriver dans sa vie et qu’il se présentait. Avais-je raison d’espérer qu’une communication intuitive puisse m’offrir une brèche dans son mystère ?

Je n’ai pas besoin de « croire ou ne pas croire » ; Je peux rester à la frontière entre deux mondes. C’est un endroit fertile.

Conclusion : une expérience à envisager comme un dialogue intérieur

J’admets que le livre de Peggy Reboul m’a touchée profondément et qu’il a ouvert des portes de réflexion. La communication intuitive, elle, m’a obligée à réfléchir, à questionner mes perceptions et mes croyances, à réinterroger des souvenirs oubliés, ou des ressentis enfouis.
J’accepte l’idée qu’il existe des perceptions plus subtiles, que le cerveau humain ne déploie pas tout son potentiel, et que certaines personnes sont plus sensibles, intuitives ou connectées. L’émotion (la vie) peut aussi m’inciter à donner du poids au discours de la communicante.
En résumé, je suis heureuse d’avoir testé cette communication !

« Mais enfin, Laurence, comment quelqu’un peut te raconter ce que pense ton cheval juste avec une photo ? »
Mais ce n’est pas de la naïveté que d’avoir tenté. C’est de la curiosité sincère, une volonté d’explorer, de comprendre autre chose. Et il faut du courage pour mettre cette curiosité à l’épreuve de la critique, ce que je fais en vous livrant mon expérience.
Je suis également rentrée dans un autre monde, un monde mystique, « perché » comme dirait Frederic Pignon dans la préface du livre de Peggy, et ce n’est pas désagréable.
Et moi aussi, je peux me tromper, donc je vous prie de conserver votre libre arbitre en lisant ces quelques pages.

En troisième écoute

Je ne doute pas d'avoir un nouveau niveau d'écoute d'ici quelques temps, je commence tout juste "Consciences Animales" de Peggy Reboul.

Réponse à Peggy ? Dois-je la faire ?

Je veux exprimer mon intérêt sincère pour la démarche ; et pour preuve le temps passé à analyser mes ressentis contradictoires.
Je peux expliquer pourquoi la communication n’a pas répondu à mes attentes, et en quoi cela ne remet pas en cause l’intention ni la sincérité des personnes impliquées ;
Je veux peut-être lancer un vrai débat d’idée, entre le sensible et le rationnel, entre la quête intérieure et l’exigence de preuves.
Mais je crois que "Consciences Animales" va m'apporter d'autres éléments très intéressants.

Lire : lecture de "La voix du cheval"
Le site de Peggy Reboul et de 6ème sens.

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