L'Equitation Pédagogique

pédagogie

Chez Catherine et Michel Henriquet

2 MAI 2010

Un départ à l’aube, presque 2 heures de route pour arriver enfin au domaine de la Panetière.

Nous entrons dans la tribune du manège où Michel nous demande de prendre place sur les sièges. Dans le manège, Catherine sur Olympe, et deux grooms-élèves, la première sur un cheval allemand « basique » et la seconde sur un petit espagnol tout rond.

Michel donne et commente son cours aux jeunes filles tout en attirant de temps à autre notre attention sur le travail de Catherine. Il nous fait distinguer les différences entre le cheval allemand, grand, expérimenté, plus ou moins raide et le jeune cheval sans expérience réalisant avec plus de brio certains exercices grâce à sa souplesse. Il nous fait également remarquer la différente morphologie présentée par les deux cavalières, l’une, longiligne, ayant donc un physique idéal pour la discipline du dressage.

Durant cette première séance, les points abordés sont purement pédagogiques, la base de la technique enseignée ici :

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Il fait ainsi faire à ses élèves, juste sous nos yeux, des voltes où elles accentuent le rôle de chaque main, effectuent des épaules en dedans au trot en cédant dans les doigts, puis lâchant presque les rênes pour démontrer le rôle de l’assiette et de la jambe, mais surtout l’inutilité des mains.

A propos de main, il imprime dans nos esprits l’importance de la rêne extérieure, rêne de l’écuyer, et non pas de la rêne intérieure, rêne du débutant.

Il nous oppose également le travail de deux pistes côté convexe (eed, ceed) qui utilise un pli naturel et côté concave (appuyer) où le cavalier utilise un pli artificiel. Ainsi, le plus naturel étant le plus facile, tous les chevaux sont débutés sur l’épaule en dedans avant le travail méticuleux de l’appuyer, dont le perfectionnement dure quelques années.

Quelques instants après, alors que les deux cavalières nous présentent des appuyers au pas et au trot, il nous fait remarquer le pli de l’encolure : l’oreille extérieure devant le genou intérieure (la première appartenant au cheval et le second à la cavalière ;-))

Il fait également remarquer, qu’après la préparation, la cavalière ne doit absolument plus utiliser ses mains, que le cheval ne peut effectuer l’exercice (appuyer) comprimé entre mains et jambes… alors que dans l’épaule en dedans, on peut retenir sur une rêne. Impossible dans l’appuyer !

A propos de préparation, si les cavalières préparaient parfois l’incurvation par une volte pour exécuter une épaule en dedans, pour l’appuyer, elles passaient le coin incurvé, redressaient puis préparaient le pli, et non pas une incurvation.

Olympe
Olympe ©DR

Nous finissons avec Catherine et Olympe sur la carrière. Un autre cavalier, tardif, monte également un alezan entier. Sur une piste intérieure de la carrière, un dispositif de 9 / 10 barres au sol, écartées de 70cm, sert à travailler la régularité du pas : tous les chevaux de Catherine vont l’utiliser, au début, en milieu, en fin de séance.

Pendant que nous admirons le fonctionnement de Catherine, son assiette, son liant, sa décontraction, le fonctionnement de ses articulations, la fixité de ses jambes, la détente des rênes, le fonctionnement d’Olympe dans les différentes allures, transitions et airs, Michel nous parle de la Guérinière, des rênes allemandes, de la compétition, des objectifs, de la rollkur, de la peur à l’origine de toutes ces coercitions, oui, de la peur non pas de cavaliers amateurs mais de grands cavaliers de niveau international, il nous parle de Totilas auquel il manque un vrai bon pas, de Gal auquel le cheval a appris beaucoup de choses …

Il nous parle aussi d’une chose assez spéciale : de l’œil des juges. Ce week-end il y avait les internationaux de Dressage à Saumur. Invités, ils ont refusé d’y présenter leurs chevaux car ils ne sont pas tout à fait prêts. Le problème est de laisser une première impression en demi-teinte, qui influencera à longue échéance les notations des juges présents (qui ne sont que des humains après tout).

Olympe laisse place à un autre lusitanien bai : Vendaval.

La détente commence par des étirements de l’encolure au pas puis au trot, tout en douceur, avec une attitude horizontale. Au fur et à mesure de la détente, l’équilibre, l’attitude changent, les ressorts se mettent en place, le cheval se transforme.

Michel met l’accent sur le fonctionnement du dos, indispensable au cavalier qui veut s’adonner au dressage et nous fait remarquer l’action de l’assiette lors des allongements au galop, et surtout lors de la reprise, lors de la transition galop allongé-galop de travail- galop rasemblé : Catherine continue d’accompagner le dos du cheval mais en se retenant un peu, le tout est presque imperceptible. Ce qui est visible c’est que les jambes ne ballottent ni ne talonnent pas plus que les mains ne s’accrochent. La décontraction, le sourire, le naturel sont présents à chaque foulée, Catherine « incrustée » dans le cheval, le cheval devenant ses jambes, sa pensée étant immédiatement exécutée par son prolongement Vendaval. Et cela dans tous les exercices : allongement, reprise, changement de pied, transitions, changement de direction…rien ne bouge !

Vendaval
Vendaval ©DR

Fonctionnement du dos, mais attention, le haut du dos ne bouge absolument pas. Le dos est divisé en deux parties, partie haute fixe et effacée, partie basse flexible et active.

Démonstration de différents exercices : changement de pied au galop, doux passage, allongement du trot et du galop, trot enlevé sur le travail des allongements au trot, passage du trot enlevé au trot assis très fluide, épaule en dedans, hanches en dedans, appuyer croupe au mur, flexions de l’encolure suite à un sentiment de résistance, bref, Catherine travaille son cheval en résolvant les problèmes du jour comme si nous n’étions pas là. Michel essaie de nous expliquer ce qu’elle fait en temps réel, anticipant parfois sur la suite, parfois se trompant, mais en essayant d’analyser, en fonction de l’exercice finalement travaillé par Catherine, quel est le problème (problème d’équilibre d’un côté il me semble sur ce cheval). Michel insiste sur le fait que le corps reste droit tandis que Catherine fléchit l’encolure d’un côté puis de l’autre. Et au fur et à mesure de l’échauffement, modification de l’attitude et de l’équilibre.

Je suis épatée par cette générosité à vouloir nous faire comprendre ce qui se passe, à vouloir nous communiquer des instants fragiles, cette envie naturelle de nous expliquer avec des mots simples… Il n’est pas à cheval mais on sent vraiment le plaisir qu’il a à être là et à participer de cette façon, à finalement vivre avec le cheval monté dans une complicité visible. Quand Catherine lâche ses rênes en arrivant vers Michel au galop, Vendaval s’arrête pile devant lui en étirant l’encolure, Michel lui tend un sucre pour le glisser à la commissure des lèvres. Petit rituel, mais quelle image !

De mon côté j’admire les appuyers de derrière lorsque le diagonal intérieur se lève, la régularité et la coordination de ces deux membres sont parfaites chez ce cheval, la vision des deux fers/soles qui s’élèvent en même temps à la même hauteur m’hypnotise !

Pour le piaffer, Michel utilise ce qui ressemble à un petit fouet d’attelage : il caresse la croupe de la mèche du fouet en rythme avec les levers des postérieurs ou d’un seul postérieur pour le solliciter. Pendant que le cheval piaffe ou passage, nous ne voyons rien des aides de Catherine.

Vendaval
Vendaval ©DR

Vendaval
Vendaval ©DR

Vendaval le lusitanien s’en va, Paradise Zauber le germanique arrive. Olympe se fait conduire dans un immense paddock en herbe où il se roule et s’ébroue.

Avant de monter, Catherine fait passer Paradise devant la petite tribune de la carrière, il a manifestement des difficultés à passer le coin en M, puis le fait piaffer sur place devant nous.

Paradise ne marche pas longtemps, Catherine demande le trot, fait trois foulées, se trouve au galop, retour au trot… wouaouh !!!

Paradise
Paradise ©DR

Même travail de départ, décontracté dans une attitude horizontale, flexions à droite et à gauche. Michel nous parle de ce cheval fantastique aux allures extraordinaires mais au caractère instable. Avec Paradise, Catherine jette des regards neutres observateurs de son environnement, très régulièrement, chose qu’elle ne faisait pas avec les chevaux précédents. Sans bouger le moins du monde sa tête, elle voit dans sa vision périphérique si un cheval emprunte le chemin autour de la carrière, puis jette ses yeux, toujours sans bouger, un dixième de seconde, pour prendre des informations plus précises sur l’extérieur, tout en restant concentré à son travail sur Paradise, et sans perturber ses aides. Je recommence !!!

Catherine ne regarde pas devant elle, ni autour d’elle, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne voit pas son environnement !!! Pour le voir, en effet, elle se sert inconsciemment de sa vision périphérique. Cette vision suffisait amplement pour les autres chevaux calmes et imperturbables. Mais il semble que Catherine éprouve le besoin d’identifier un peu mieux ce qui bouge autour pour anticiper le cas échéant, d’où ces coups d’œil furtifs. Mais ce sera toujours le coin en M le problème !

Catherine y enchaine des voltes où elle perd les hanches malgré sa jambe extérieure, le cheval pivotant autour de ses épaules pour faire face rapidement à ce qui l’inquiète. A ce moment, nous avons une belle démonstration de l’autorité tranquille représentée par Michel qui vient se placer au centre de la volte. D’aucun pourrait considérer que sa petite phrase « il suffit que je me mette là et tout va bien » est prétentieuse, mais les enseignants qui utilisent leur place pour rassurer les chevaux, connaissent bien ce pouvoir, si et seulement, le travail fait avec la cavalerie est honnête, en « bon père de famille ». Encore une fois, Michel n’est pas à cheval, mais est indispensable au travail du cheval, à son bien-être et sa décontraction mentale donc physique. Que dire de plus, le cheval ne ment pas, il renvoie exactement ce que Michel lui donne.

Je comprends maintenant un peu mieux sa sérénité quand, au début du travail de Paradise, il restait impassible avec le cheval dans le dos en train de piaffer-trépigner, alors que j’avais juste envie de lui dire d’avancer d’un pas, juste au cas où. Ne craignait-il vraiment rien ? Et si l’humain veut qu’un cheval lui fasse confiance, ne faut-il pas qu’il commence par lui confier la sienne ?

Cette confiance accordée va lui permettre de courir derrière le cheval un court instant, le fouet à la main, en intimant Catherine, en train de piaffer, de l’attendre. Le cheval n’aura aucun signe de nervosité !

Encore autre chose à propos de ce cheval et des principes de son éducation : Michel refuse catégoriquement que Catherine règle les problèmes avec un cheval qui trépigne sur place ou qui se cabre. Dans ses difficultés à effectuer la volte à l’endroit des monstres tapis dans l’ombre, il invite Catherine à repasser au pas et non pas à vouloir absolument passer au trot avec des problèmes, à revenir à l’allure inférieure pour régler le problème dans le calme, pour désamorcer cette petite « bombe » de Paradise.

En fait, Catherine ne va pas repasser au pas et Michel va s’adapter : c’est à ce moment qu’il entre dans la volte et désamorce lui-même par sa présence les hésitations du cheval. La pédagogie, n’est-ce pas savoir s’adapter ? Quelle patience, quelle leçon pédagogique !

Paradise
Paradise ©DR

Paradise
Paradise vDR

Paradise
Michel au centre de la volte avec Paradise ©DR

Bien sur, il la taquine de temps en temps sur son « émancipation » …

Après ces différents passages, Catherine travaille la pirouette au galop, quand enfin, elle satisfait Michel, celui-ci lui demande de repasser au pas rênes longues, que c’est fini pour lui au regard des évènements stressants de la séance, « s’il te plait »…

Mais Catherine finit au trot par des étirements.

Paradise
Paradise ©DR

Un autre cheval germanique prend la relève : Laissez-faire

Quelle santé !

A chaque cheval, Michel nous décrit les qualités et les défauts. Ce cheval, qu’ils ont acheté avec un partenaire, Catherine et le dit partenaire n’en voulaient pas. Seul Michel voulait l’acheter. Finalement, c’est à son avis que tous se sont rangés car il avait vu, en liberté (liberté chérie), un petit quelque chose d’exploitable.

Contrairement à Paradise qui présentait des allures et des airs avec son brillant naturel, Laissez-faire a été énormément travaillé : le trot élastique que Catherine va nous montrer a été obtenu par de longs exercices. De même les changements de pieds au galop ont été chaotiques au début, le cheval jetant sa croupe de côté. Mais il est devant Paradise pour l’instant dans les compétitions, à cause du caractère peureux dont sont dotés tous les grands chevaux. Un jour, le classement s’inversera nous dit Michel.

Laissez faire
Laissez-faire ©DR

Pour travailler le doux passage, rassembler le trot, passager, piaffer, Catherine exécute ses exercices sur des mouvements latéraux : elle demande donc un engagement supplémentaire à un des postérieurs, tour à tour, pour développer un geste que le cheval n’a pas naturellement : élévation, engagement, ploiement de l’arrière main. Comme avec les autres, Michel l’aide avec la mèche du fouet qui caresse la croupe en rythme.

Il finit de nous détailler quelques aides : regarder la queue au lieu de se pencher dans les pirouettes au galop, ne pas décoller l’arrière des fesses de la selle dans le basculement du galop, qu’un cheval froid n’est pas apte à faire du dressage, et que d’après la Guérinière (si mon unique oreille entendante a bien compris), les chevaux froids ça se met à la voiture (attelage).

Laissez faire
Laissez-faire ©DR

Laissez faire
Laissez-faire ©DR

Pendant que Catherine rentre son dernier cheval, certains discutent du Frison avec Michel : un cheval qui ne sait pas galoper, ou devrais-je préciser : travailler au galop pour ne froisser aucune susceptibilité.

Nous visitons les écuries pendant que l’intendance prépare le convoyage vers le lieu du déjeuner.

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