L'Equitation Pédagogique

galop 9Juin 2012

Le bon sens
François BAUCHER

Quelques extraits de bon sens des "Dialogues" de François Baucher, pour vous donner envie de lire la suite ...

Dieu (des chevaux)

assez de coups d'éperons et de cravache ont été distribués souvent sans discernement ; assez de ruades et de sauts de toute espèce y ont répondu, et cela sans protocole, sans déclaration de guerre préalable. Il est temps que cela finisse, il est temps qu'après ce duel vienne l'explication (...)

Le cavalier

(...) que votre toute puissance juge si je n'ai lieu de me plaindre. Depuis 5 minutes je ne puis parvenir à mettre mon pied à l'étrier. J'ai beau par des Hola! et des saccades de bride, vouloir faire comprendre à l'animal qu'il est indocile, il n'en tient aucun compte et plusieurs fois il a failli me casser la jambe en détachant malicieusement quelques ruades. (...)

Le cheval

Ce seigneur cavalier, dont les gouts diffèrent entièrement de ceux de mon ancien maitre, n'a pas su jusqu'à présent m'en faire comprendre la différence. Lui, leste et adroit, était glorieux de déployer son agilité en m'enfourchant et m'excitait à caracoler, puis me donnait un coup de bride pour me lancer au galop. Bien que ce dernier moyen fut inopportun, et qu'il m'eut été facile de m'y refuser, je m'y soumettais complaisamment. Maintenant, je ne puis comprendre que les mêmes moyens doivent avoir des effets opposés. Il est vrai que la douleur que fait naitre la brusque pression du mors m'est bien pénible. Mais ce beau cavalier a toujours les renes trop longues, je ne la ressens qu'une minute après m'être déplacé, souvent même je me débarrasse des rênes par la prestesse de mes mouvements, et me livre, croyant bien faire, à mes inspirations fougeuses. J'entends bien des Hola! mais comme mon impatient cavalier ne s'est pas donné la peine de me bien faire comprendre la valeur de ce mot, je ne puis en tenir compte.

Dieu

que devait-il donc faire ?

Le cheval

me mettre un caveçon sur le nez, se placer devant moi, et en tenir la longe en me regardant avec bonté et me faisant connaitre par des caresses sa bonne volonté. Pendant ce temps faire mettre le pied à l'étrier par un palefrenir, puis me rassurer avec des intonations de voix douces et des syllabes sonores. Si l'impatience mettait mon attention en défaut, alors un petit coup de caveçon sur le nez m'y rappelerait. Cet expédient n'aurait pas été renouvelé 2 ou 3 fois que je serais devenu d'une sagesse exemplaire. Mais pour cela il faut trouver le moyen de rendre intelligible ce qu'on veut nous apprendre, et comme le voit votre toute puissance, ces messierus ne s'en donnent guère la peine. Quant aux coups de pieds, il me semble toujours voir des palefreniers brutauxqui me fouettent les jambes, et la peur rend sujet aux méprises. (...)

Le cavalier

je ne savais pas qu'il fallut de semblables procédés avec un animal dont la condition est l'esclavage, que son manque d'intelligence doit soumettre à tous nos caprices.

Dieu

Etes vous donc bien sur de ce que vous avancez là ? Mais, en admettant que le cheval soit moins intelligent que vous, n'est-ce pas une raison pour employer cette même intelligence, dont vous vous accordez la possession exclusive, à lui faire connaitre ce que vous désirez. Mais avant d'aller plus loin, tenez-le pour bien dit, et n'oubliez jamais que le cheval est doué de facultés intellectuelles de votre vanité seule vous empêche de reconnaitre (...)

Le cavalier

je reviens à ma querelle. Quand tant bien que mal je suis parvenu à me placer en selle, nouvelles méchancetés du cheval : il fait ce qu'on appelle le dos de carpe, et de là une succession de suats qui me désarçonnent. En quoi ai-je donc tort ? Mes actions ont été jusqu'ici on ne peut plus inoffensives, vous le voyez : il n'entend rien aux bons procédés.

Le cheval

le tact si fin dont nous a doués votre divinité nous fait sentir promptement la maladresse et le peu de science de notre cavalier. D'abord sa position incertaine et vacillante dérange et brouille nos allures les plus naturellesv: qu'est-ce donc s'il veut nous assujettir à ses mouvements maladroits et brusques ? ai-je tord de lui faire connaitre que je n'aime point à être maltraité, et qu'il doit apprendre les règles d'un art avant de le mettre en pratique ?

Le cavalier

eh ! Qu'ai-je besoin, moi, homme civilisé, d'apprendre ce que les peuplades sauvages exécutent si bien d'elles-mêmes et sans principe ! ? Si je suis riche, ne puis-je donc pas, à force d'argent, trouver un cheval à ma convenance, et m'exempter par là de jouer le rôle d'artiste ? Encore une fois, Seigneur, le cheval secoue trop le joug auquel il doit être soumis par les lois de la nature.

Dieu

c'est à moi de répondre à votre orgueilleuse sortie. D'abord, je vous apprendrai que sous les rapports de la force physique, le sauvage est supérieur à l'homme civilisé. Comme l'argent n'est rien pour lui, il doit chercher les moyens de pourvoir à son existence, et pour y parvenir, il passe des journées entières sur son cher compagnon. Et c'est depuis son enfance qu'il se livre à des courses périlleuses qui le rendent solide cavalier. Puis les plaines de sable qu'il parcourt ne l'astreignent à aucune attention pour éviter les pierres et les ornières qui encombrent et coupent vos chemins si étroits et si remplis de voiture et d'obstacles de toute espèce. Croyez vous donc que l'or entassé dans vos palais somptueux vous empêche d'apprendre ? Devenez artiste, sinon vos plaisirs seront plus bornés que ceux de l'être dont vous dédaignez le savoir : ou si, en dépit du dieu des arts, vous n'écoutez que votre inepte gloriole, prenez garde de tomber d'une selle dans un cercueil. je borne là cette juste réprimande, et je continue à vous écouter.

Le cavalier

las de rester toujours en place, je veux faire marcher mon cheval et me diriger vers les promenades fréquentées pour faire admirer ma grace et mon maintien. Eh bien, après avoir longtemps bataillé en pure perte, je suis forcer de céder et de continuer, bien malgré moi, à pied, la promenade que je m'étais promis de faire à cheval. Qu'y a-t-il donc à faire contre un animal si fort et si brutal ? Il me semble que s'il avait la noblesse que vous lui supposez, il devrait être glorieux de déployer ses belles formes en présence d'un public, sinon connaisseur, du moins amateur.

Le cheval

Ma réponse est simple et facile. Comme vos moyens pour me transmettre votre volonté sont invertains, sans justesse, et qu'ils me contraignent douloureusement sans me faire rien comprendre, vous ne devez pas trouver mauvais qu'ayant la libre disposition de l'emploi de mes forces, j'évite ce qui m'est pénible.

Le cavalier

je vous demanderai maintenant pourquoi, mes moyens d'exécutionn étant toujours les mêmes, vous n'êtes récalcitrant que de temps à autre. N'est-ce pas là du caprice et de la mauvaise volonté ?

Le cheval

Non, c'est une preuve de mon peu de rancune. J'oublie promptement ce que votre ignorance a produit et reviens souvent à mon bon naturel de cheval; mais bientôt vos mouvements m'extrapassent tellement qu'il me faut, malgré moi, renoncer à une promenade qui m'eut été agréable et utile. Je prefère resté garrotté dans votre écurie malsaine et souffrir les mauvais traitements de votre palefrenier; car en cela, comme en beacuoup d'autres choses, tel maitre, tel valet.

Dieu

j'attends, messire cavalier, que vos plaintes reposentsur des bases plus solides pour vous donner gain de cause. Jusqu'à présent, mon attente a été vaine

Le cavalier

votre toute puissance a donné trois allures au cheval : eh bien ! quand je parviens à le faire bouger de place, je veux d'abord l'acheminer au pas et droit devant lui, puisqu'il marche sur une route droite. Alors nouvelle marque de désobeissance de sa part, ou il trotte, ou il s'arrête. Il se jette à droite ou à gauche et m'expose à tomber dans quelque fossé : cependant mon intention était qu'il marchat bien droit. A quoi attribuer ces nouveaux caprices ?

Le dictionnaire raisonné d'équitation de François Baucher, dans lequel vous trouverez :

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Bibliographie :